Interview Julian Semiao par Alexis Maillard

Quel souvenir as-tu de ton premier émoi artistique?

L’un des premier souvenir qui m’ai profondément marqué est la visite du MOMA à New York quand j’avais 12 ans. Je suis resté complètement ébahie, subjugué devant la nuit étoilé de Van Gogh. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé dessiner sans spécialement me poser de questions mais cette exposition à marqué un vrai tournant dans ma manière d’appréhender la création. Je me suis réellement rendu compte de l’impact qu’une peinture pouvait avoir. L’Art était alors devenu pour moi bien plus qu’un loisir. Il devenait une force, un discours.

As-tu grandi dans un environnement artistique ? Si oui, décris-le nous ?

Mon père dessinait très bien mais ne le faisait que pour de très rares occasion. Il avait par exemple réalisé mon faire-part de naissance. J’ai du voir seulement trois ou quatre de ses dessins avant qu’il n’arrête définitivement que je voyais comme des reliques rares et précieuses. Sans que ma famille ne soit constituée d’artistes de profession, ma mère adorait la peinture et m’amenait au musée dès que l’occasion se présentait. Elle m’a initiée a l’art et à nourrit mon gout pour la culture de cette manière.

Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer vers la voie professionnelle ?

Comme je le disais j’ai toujours eu un pied dans la culture mais n’imaginais pas un jour pouvoir devenir artiste peintre. Je pensais finir graphiste ou directeur artistique, pour garder une dimension créative tout en choisissant une carrière plus commode. C’est en arrivant en faculté d’art plastique et en découvrant la diversité de l’histoire de l’art et de la beauté de certaines pratiques artistiques que petit à petit l’idée de m’engager sur cette voie à germée mon esprit.

Qu’as-tu retenu de ton enseignement artistique ?

Au delà d’un enseignement culturel et technique qui m’a beaucoup apporté pour ma pratique, mes études m’ont surtout permises de comprendre que l’art était une structure primordiale et influente de notre société. Il transmet, refonde, engage et nous questionne. Il est à l’image de l’être humain : toujours mouvant et vecteur d’un savoir complexe.

Peut-on selon toi « former de futurs artistes » ?

On peut toujours donner des clefs techniques pour initier un processus de création. On peut apprendre à remettre en question sa pratique pour développer une problématique singulière et perspicace. Cependant, il ne me semble pas que l’on puisse complètement former ou informer un artiste. Une pratique artistique est selon moi un acte individuel, mais on peut l’orienter et aider certains à trouver leurs voies.

Quelles ont été les différentes étapes de définition de ton style actuel ?

J’ai eu plusieurs tendances depuis mes débuts. J’ai commencé avec un style très graphique, un peu psychédélique et me suis tourné petit à petit vers un art assez brut, au pastel à l’huile, inspiré de Basquiat et de Dubuffet. Je m’en suis ensuite détourné pour aller vers les aplats plus lisses que je réalise aujourd’hui. Je travaille à la peinture acrylique. C’est un materiau qui sèche rapidement, pratique pour faire ces aplats de couleurs, multiplier et superposer les couches et donc idéal pour les œuvres que je réalise.

Dans tes œuvres et à travers les éléments récurrents que l’on y retrouve, cherches-tu à faire passer un message particulier ?

J’essaye toujours de questionner notre société. Mes toiles poussent à s’interroger, à déconstruire notre rapport au monde et aux autres mais n’impose pas un discours autoritaire.
J’ai par exemple commencé à peindre des ampoules pour remplacer les auréoles traditionnelles quand je cherchais à actualiser les symboles de la peinture judéo-chrétienne. C’est un élément qui à fini par perdurer et qui a perdu son sens initial mais qui demeure structurant dans mes compositions.
Je développe également tout un bestiaire influencé par la peinture surréaliste. Ces animaux on tous une symbolique plus ou moins explicite : le prédateur renvoie stricto-sensu à ce qu’il est mais d’autres fois je laisse flotter le sens pour ne pas brider certaines narrations, ils sont une ébauche de sens.

Outre tes références plus historiques, quels sont les artistes contemporains que tu admire et suis avec attention ?

J’admire le travail de Greyson Perry, surtout en tapisserie. Il détourne les codes judéo-chrétiens, s’amuse avec les codes de la société contemporaine avec beaucoup d’humour et d’ironie, aborde des problématiques qui me touchent liées à l’actualité et aux médias. En ce qui concerne les peintres français de la nouvelle figuration contemporaine, je regarde de près le travail de jeunes peintres comme Jean-Baptise Boyer par exemple.

Ces thématiques sont-elles importantes selon toi pour capter l’attention du public ?

Selon moi les sujets qui intéressent peuvent êtres multiples mais il me semble important de créer des œuvres connectées au vécu de chacun, d’où le retour en force de la peinture figurative.

Il y a un certain paradoxe entre la gravité de certains sujets que tu abordes dans tes toiles et leur traitement, pourquoi cette approche ?

C’est précisément ce que je recherche. Cela me permet d’aborder une certaine diversité de sujets en évitant une certaine tension, une culpabilisation de celui qui regarde l’œuvre. C’est une manière d’apporter une certaine légèreté au sujet sans qu’il en soit sous-évalué pour autant. Je ne me définirais pas comme très engagé mais je tiens à traiter à ma manière de sujets qui me touchent, qu’ils émanent de mon expérience personnelle ou d’une actualité plus distante. Je ne suis pas non plus de ceux qui cherchent la polémique. Si j’aborde certains sujets plus sensibles que d’autres ce n’est pas pour choquer mais pour m’en amuser.

Selon toi, si l’art avait une fonction, quelle serait-elle ?

L’art est pour moi un moyen d’expression et de compréhension du monde. Il a une fonction critique mais est aussi fédérateur. En peinture, je peux parler de moi mais surtout de notre environnement. Je peux le mettre à mal ou l’accueillir tel quel. Sans cela le monde ne serait que fonctionnel, mécanique et froid. Je dirais qu’il est un vecteur essentiel de notre humanité.